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    mercredi, 26 octobre 2022 18:00

    ILC : LES REFORMES SUCCESSIVES

    Par Valérie CARTERON source FNAIM

    Une première intervention de BERCY : suppression de la composante « chiffre d’affaire » du commerce de détail » dans le calcul de l’indice ILC.

    L’année 2022 sonne le retour en force de l’inflation après des années de modération.  Les locataires des commerces, déjà souvent confrontés à la concurrence de l’e-commerce, ont été durement impactés par la crise sanitaire de la Covid-19. La période de COVID a engendré une accélération et une sur activité de commerce de vente en ligne, de nouvelles habitudes de consommation et par ailleurs des épisodes de confinement qui ont lourdement impacté leurs activités.

    L’abondance de mesures d’aide et d’épargne accumulée par les Français, indispensable au soutien de la consommation, n’a malheureusement pas éviter le retour de l’inflation et la hausse des coûts menace dorénavant le pouvoir d’achat et les marges bénéficiaires des commerçants.

    Plusieurs Fédérations lancent des appels à la modération des loyers commerciaux et implorent  ainsi le gouvernement à engager une réforme du mode de calcul de l’indice de revalorisation des loyers commerciaux.

    En décembre 2021, Bercy organise les Assises du Commerce, et décide d’une mesure très concrète.

    Au tout début de l’année 2022, les pouvoirs publics se saisissent de cette inquiétante flambée de l’ILC.

    Dans le prolongement parait au JO, le décret n°2022-357 du 14 mars, qui modifie la formule de calcul de l'indice national trimestriel des loyers commerciaux.

    L’objectif est clair : une limitation de la hausse des loyers commerciaux.

    L’INSEE travaille et le décret du 14 mars officialise la suppression de la composante « chiffre d’affaires du commerce de détail ». Cette mesure doit permettre de diviser par deux la revalorisation des loyers indexés sur l’ILC de mars 2022 et devrait limiter les augmentations fondées sur les publications trimestrielles suivantes en 2022 et 2023.

    En effet, les travaux de l’Insee réalisés à l’occasion des Assises du commerce ont permis d’établir que la composante chiffre d’affaire du commerce de détail générait de la volatilité et favorisait nettement les hausses de l’indice, et donc les augmentations de loyers.

    De plus, cette composante intégrait l’ensemble du chiffre d’affaire du secteur, y compris celui réalisé en ligne (e-commerce).

    La progression continue des ventes par internet (près de 100 % de hausse entre 2014 et 2021) a ainsi alimenté, sans aucune justification économique, la revalorisation des loyers des magasins physiques et plus généralement de l’ensemble des locaux loués par bail commercial (restaurants et bars, cinémas, salles de sports, etc).

    Avec ce décret Bercy exprime une façon de tenir compte du développement du e – commerce qui influait injustement sur ce taux et de diviser par deux la revalorisation des loyers indexés sur l’ILC .

    Résumé

    Ainsi à compter du 4ème trimestre 2021, le calcul de l’ILC se fait selon la formule suivante : 75 % indice des prix à la consommation et 25 % coûts de la construction.

    Une seconde intervention du parlement :  Le plafonnement de la variation annuelle de l’ILC

    Cette fois ci, ce sont les élus de la République qui prennent la main sur ce sujet.

    A l’occasion de l’élaboration de la loi sur le Pouvoir d’Achat, les Fédérations de commerçants dans un communiqué de Presse daté du 21 Juillet ont alerté les pouvoirs publics sur la nécessité de plafonner l’évolution des loyers commerciaux au même titre que les baux d’habitation. (https://www.procos.org/images/procos/presse/2022/cpconcertationloyer.pdf)

    Pour elles, cette mesure est indispensable pour sauvegarder le commerce physique dans les territoires et l’aider à faire face à la baisse concomitante de l’activité en magasin et à la hausse des coûts de production et d’exploitation ; à cette occasion elles font remarquer que le loyer peut représenter jusqu’à 20 % du chiffre d’affaires du point de vente.

    Dans un premier temps, l’Assemblée Nationale a rejeté cette mesure lors de l’examen du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

    Pourtant, la loi n°2022-1158 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat promulguée le 16 août 2022 puis publiée au Journal officiel du 17 août 2022, prévoit dans son article 14 une mesure qui porte sur l’indexation du loyer d'une petite ou moyenne entreprise (PME), c'est à dire de moins de 250 salariés en faisant simple, par le jeu de l'indice des loyers commerciaux (ILC), dans le cadre d'un bail commercial.

    Ainsi, le texte précise que : « La variation annuelle de l'indice des loyers commerciaux, publié par l'Institut national de la statistique et des études économiques, prise en compte pour la révision du loyer applicable aux petites et moyennes entreprises ne peut excéder 3,5 % pour les trimestres compris entre le deuxième trimestre 2022 et le premier trimestre 2023. Le plafonnement de la variation annuelle est définitivement acquis et la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision postérieure ne peut prendre en compte la part de variation de l'indice des loyers commerciaux supérieure à 3,5 % sur cette même période.
    Les petites et moyennes entreprises mentionnées au premier alinéa du présent article répondent à la définition de l'annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité ».

    Ce dispositif temporaire à l’instar des baux d’habitation, crée un mécanisme de plafonnement de la variation annuelle du loyer indexé sur l’indice ILC.

    Cette variation ne pouvant excéder 3,5% pour les trimestres compris entre le deuxième trimestre 2022 et le premier trimestre 2023.

    On notera que le gouvernement a apporté son soutien à un amendement de la majorité visant à plafonner à 3,5 % la hausse de l'indice des loyers commerciaux, qui sert de base à la revalorisation annuelle des loyers.

    Cette mesure a fait l'objet d'une concertation avec les acteurs du secteur, menée sous l'égide d'Olivia Grégoire, la ministre déléguée aux PME, au Commerce, à l'Artisanat et au Tourisme.

    • Quelles sont les entreprises concernées ?

    Ce dispositif concerne seulement les petites et moyennes entreprises. Cette mesure s’applique à l’indexation du loyer des baux conclus avec des entreprises de moins de 250 salariés et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions EUR ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions EUR.

    L’article 14 de la loi du 16 Août 2022 ne précise pas les modalités de calcul de ces critères.

    Toutefois , on peut imaginer que ces critères s’appliqueront au niveau du groupe comme cela avait été prévu pour la prise en compte de l’ « effectif du groupe » dans le cadre du fonds de solidarité instauré pendant la crise COVID.

    • Quelle est la période visée par le texte ?

    Ce dispositif temporaire s’applique à toute indexation annuelle qui intervient à partir de la date d’entrée en vigueur de l’ILC du 2ème trimestre 2022, à savoir octobre 2022 et pour les indexations basées sur le 1er trimestre 2023.

    Il s’agit en réalité d’une période temporaire d’une année.

    Bien que la loi Pouvoir d’Achat s’applique dès le 18 août 2022, il faut attendre la publication par l’INSEE de l’indice ILC du 2ème trimestre 2022 pour appliquer cette nouvelle règle !

    • Quels sont les loyers concernés ?

    La mesure temporaire concerne les baux comportant une clause d’indexation dite clause d’échelle mobile dont le mécanisme permet au bailleur d’indexer chaque année en principe, le loyer sur la base de l’ILC.

    Les loyers indexés sur l’ILAT (indice des loyers des activités tertiaires) ne sont pas concernés.

    Même si le législateur a utilisé le terme de « révision », il faut comprendre que cette nouvelle règlementation exclut l’hypothèse de la révision triennale légale, pour la simple et unique raison que l’article L 145-38 du code de commerce, d’ordre public n’est pas modifié.

    • Reste à savoir si cette nouvelle règle doit être ou non considéré comme d’ordre public ?

    La loi du 16 Août 2022 ne fixe aucune sanction dans l’hypothèse où le bailleur ne respecterait pas la nouvelle règle.

    Imaginons que le bailleur refuse de « caper » l’indexation du loyer et dépasse le seuil maximal de 3,5 % . Dans ce cas, le locataire pourra demander le remboursement du trop perçu par le bailleur.

    La loi n’a pas pris la précaution de modifier l’article L 145 – 15 du code de commerce, qui traite de l’ordre public dans le cadre des baux commerciaux. Il est donc prématurer de considérer que ce texte est d’ordre public.

    Pourtant, certains auteurs affirment le caractère d’ordre public économique du dispositif (Jean Pierre BLATTER AJDI sept 2022 p 593 évoque «un ordre public absolu, auquel il ne peut par conséquent pas être dérogé »).

    S’il ne peut pas être contesté que le bailleur n’est en droit de refuser de « caper » le loyer issu de l’indexation basée sur l’ILC 2ème trimestre 2022, il peut toutefois choisir de ne pas appliquer cette indexation, ce qui ne portera pas préjudice au locataire.  En effet, le bailleur peut préférer qu’en cette période de crise, son locataire s’acquitte des charges plutôt que d’espérer une indexation qui ne ferait qu’asphyxier son débiteur mais partenaire d’un contrat qui dure dans le temps !

    A la lecture du texte, on peut d’ores et déjà regretter le manque de précision de ce nouveau dispositif.

    Comment par exemple appliquer ce nouveau dispositif lorsque le bail commercial prévoit une clause d’indexation biannuelle ou triennale comme la jurisprudence l’autorise ?

    Quelle sera la règle de calcul à appliquer lorsqu’il faudra procéder à l’indexation du loyer d’une entreprise dépassant le seuil de 250 salariés ou dont le chiffre annuel excède 50 millions euros ou dont le total du bilan annuel excède 43 millions euros ?

    Le texte fait état d’une variation annuelle. On peut supposer que cette règle ne s’appliquera pas lorsque le loyer sera révisé dans le cadre d’une révision triennale légale en application de L 145-38 du Code de Commerce, calculée sur l’indice du 2 -ème trimestre 2022 ILC et que ce plafond de 3,5 % sera dépassé.

    Rappelons que la valeur de l'ILC au premier trimestre 2022 a été fixée en juin 2022 à 120,61, avec une variation annuelle en hausse de 3,32%.

    • NOUVELLE VALEUR DE L ILC : parution de l’ILC du 2ème trimestre 2022.

     

    L’INSEE a publié le 23 septembre 2022, l’indice du 2ème trimestre 2022.  Au deuxième trimestre 2022, l’indice des loyers commerciaux s’établit à 123,65. Sur un an, il augmente de 4,43 % (après +3,32 % au trimestre précédent).  Au vue de cette augmentation, on peut aisément imaginer que l’INSEE va proposer dans un avenir proche une nouvelle version de l’ILC ; c’est en tout ce qu’a indiqué la ministre chargée des PME Madame Olivia Grégoire, qui permettrait alors de pérenniser une mesure d’urgence limitée dans le temps.

    Pourtant la crise économique que traverse la France ne devrait pas s’arrêter net en octobre 2023 !

    Une vraie réforme des modalités d’évolution des loyers des commerçants s’impose, si l’on veut maintenir un équilibre entre les intérêts financiers du bailleur et la survie de certaines petites entreprises trop fragilisées par des crises successives.

    Maintenir une relation stable entre les parties au contrat de bail, suppose qu’ils trouvent entre eux un loyer d’équilibre.